Entretien avec Glenn Le Bourhis : comment parler au cerveau (et au cœur) de vos clients ?
- Marion Bonglet
- 19 nov.
- 5 min de lecture

Saviez-vous qu’un consommateur prend plus de 95% de ses décisions d’achat insconsciemment selon les études en neurosciences ? Dans cet entretien exclusif, Glenn Le Bourhis, spécialiste en Branding et Neuromarketing, nous explique comment le cerveau fonctionne face à un produit, comme vous pouvez adapter votre communication pour créer une véritable relation client et pourquoi la première impression joue un rôle clé dans l’expérience client. À travers des exemples concrets, il nous partage sa vision d’un marketing plus humain, inspiré par la psychologie et les biais cognitifs. Découvrez comment parler au cerveau et au coeur de vos clients 👇🏼
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
“J’ai travaillé 25 ans en agence de communication en tant que Directeur Artistique et Copywriter. C’est seulement vers 40 ans que j’ai compris le point central de mon parcours : les histoires.
J’ai commencé très tôt à lire, puis écrire mes propres BD. J’ai aussi fait du théâtre et suis toujours passionnée par les jeux de rôle (tant comme joueur que maître du jeu). J’aime raconter des histoires. J’ai vu presque tout ce que les plateformes de streaming ont pu produire depuis 20 ans. Et j’ai même écrit mes propres courts-métrages ! J’ai évidemment fait un baccalauréat Audiovisuel en pensant être le futur Spielberg.
Finalement, après une fac d’Histoire et Lettres Modernes, j’ai obtenu un DUT Information-Communication. C’est là que le monde de la publicité s’est imposé à moi.
Mon père savait longtemps avant moi ce que j’allais faire de ma vie. Lorsqu’il travaillait dans le département du Nord, il m’avait fait travailler sur le logo de ce qui allait devenir les Côtes d’Armor. Je devais avoir 10 ans. Il m’a toujours dit que je dessinerais pour gagner ma vie.
C’est ce que j’ai fait en tant que graphiste pendant longtemps. Et puis, mon goût pour les mots a pris le dessus. Aujourd’hui, je me considère plutôt comme un copywriter. J’aime construire des slogans, des punchlines et des messages percutants.
Ce qui m’a mené naturellement vers les neurosciences et le neuromarketing pour mieux comprendre les consommateurs et leur adresser des messages performants.
Ma devise : “Résonner plutôt que raisonner”.”
Comment fonctionne notre cerveau de consommateur ?
“La consommation est une action comme une autre : le résultat d’une prise de décision.
Je dirais qu’il y a deux grands mécanismes à comprendre :
👉🏼 Le cerveau est très gourmand en énergie. Il consomme 20% de notre énergie quotidienne et a donc besoin de faire des économies. Pour cela, d’une part, il fait des raccourcis en fonctionnant par comparaison. D’autre part, il crée des scénarios pré-établis et s’appuie sur ses connaissances pour décider très rapidement. Cela entraîne de nombreux biais cognitifs et parfois la création d’une réalité inventée pour combler les trous.
👉🏼 Le cerveau obéit aux lois émotionnelles. Nos expériences, nos désirs, nos valeurs et nos traumatismes ont construit une cathédrale de connexions synaptiques, qui réagissent bien avant notre esprit rationnel. L’être humain est profondément irrationnel. Il pense prendre des décisions éclaires… Alors que la plupart du temps, ses réactions sont guidées par l’inconscient.
Pour creuser ce sujet, je recommande Système 1, Système 2 de Daniel Kahneman.”
Pourquoi est-il important de considérer les sciences comportementales dans la communication de demain ?
“Les gens ne pensent pas ce qu’ils ressentent, ne disent pas ce qu’ils pensent, et ne font pas ce qu’ils disent.” - David Ogilvy
“Si l’on continue à baser les stratégies marketing uniquement sur des sondages, on va dans le mur.
L’imagerie médicale et l’IRM ont montré que nos décisions naissent avant leur rationnalisation. L’être humain est pétri de désirs, de besoins, d’envies. Mais surtout, il a besoin de savoir qui il est. Et, plus que toute autre chose, il a besoin d’appartenir. L’appartenance à un groupe social ou plusieurs. L’humain a besoin de se définir pour savoir quel comportement adopter. Et chaque action entreprise construit cette image qu’il a de lui dans la société. C’est un désir impérieux qui puise sa force chez nos ancêtres. Il y a très longtemps, ne pas appartenir à un groupe était synonyme de rejet et d’exclusion, et donc de mort.
Alors, on rentre dans des cases : je suis fan des Chicago Bulls, je vote à gauche, je manifeste contre les discriminations, je n’achète rien sur TEMU, je tutoie mes clients, etc. Tout cela construit mon identité et encore plus mes actes de consommation.”
Comment utiliser ces connaissances pour créer une communication plus humaine, sans tomber dans la manipulation ?
“Avant, on cherchait le consommateur dans chaque individu. Aujourd’hui, on cherche l’individu dans chaque consommateur.
Je m’interroge souvent sur la nature de la communication. Elle doit partir d’un postulat un peu utopique : les produits que nous cherchons à vendre sont de bonne qualité et répondent à un besoin réel. La communication et la publicité interviennent alors uniquement pour se différencier dans un marché concurrentiel. Et c’est là que devrait se construire un branding fort et émotionnel.
La publicité ne devrait pas être là pour dire “Vous avez besoin de ce produit ou de ce service”. Mais plutôt pour vous aider à faire un choix dans votre acte de consommation. Et, à ce titre, elle doit vous connaître pour bien vous accompagner : qu’est-ce qui répondra au mieux à tes besoins ? Comment ce produit répond à votre désir profond ? Qu’est-ce qui vous anime ? Quelles valeurs sont importantes pour vous ?
On a eu l’habitude de construire des personas (des profils types d’acheteurs) pour bien les cernes sur des bases démographiques. Aujourd’hui, on construit des profils psychographiques pour répondre à des désirs plus profonds.
Pour bien communiquer, il faut donc écouter, comprendre, s’intéresser, se connecter. C’est là que mon mantra entre en jeu : “résonner plutôt que raisonner”. On ne vend plus des voitures en disant combien de chevaux elles sont sous le capot…”
Selon toi, comment les marques peuvent-elles incarner cette posture dans leurs contenus, leurs messages ou leur expérience client ?
“La réponse est dans la question. C’est l’expérience client qui prime.
Une marque doit avoir un discours et un message fort. Depuis le succès de la théorie du Golden Circle de Simon Sinek, les entreprises savent qu’elles doivent avoir un WHY. Depuis quelques années, on voit ainsi des “entreprises à mission” éclorent un peu partout. Effet d’annonce ou réel engagement ? L’avenir nous le dira.
Ce qui est sûr, c’est qu’une organisation a besoin d’avoir un cap, de savoir pourquoi elle existe et de mettre en oeuvre des actions pour le prouver au quotidien. Tout cela est vital pour créer une communauté, attirer de nouveaux clients, fidéliser les anciens, consolider sa marque employeur…
On lit partout les grands discours des géants, comme Nike ou Tesla. Tous sont en crise. Pourquoi ? Parce qu’ils n’incarnent plus ce pourquoi on les suivait, alors que leurs produits restent les mêmes. En parallèle, on assiste aujourd’hui à l’émergence de marques engagées.
Notre challenge aujourd’hui est qu’on ne travaille pas tous les jours pour Nike ou Tesla. Mais plutôt des commerces, des artisans, des PMA de l’industrie… C’est plus difficile d’afficher une mission quand on vend des poêles quand quand on fait des produits vegans. C’est très compliqué de dire en quoi on est vertueux quand on est fabricant de piscines.
Mais, même dans ces secteurs, il y a quelque chose à faire : s’engager pour l’égalité, l’inclusion, la bienveillance. On peut être transparent. On peut s’engager. On peut montrer une certaine forme d’exemplarité. On peut être un havre de développement personnel pour ses salariés. On peut être un refuge pour une communauté.
Je crois que la première questions à se poser, à tous les niveaux, chaque jour, c’est : comment créer de la connexion et être humain ?”
Dans cet entretien, Glenn nous rappelle que comprendre le fonctionnement du cerveau est un levier puissant pour améliorer l’expérience client et renforcer la marque entre marque et consommateur. Le neuromarketing, loin d’être un outil de manipulation, peut être une révolution positive pour un marketing plus humain, centré sur les valeurs et les émotions.
Pour en savoir plus sur lui ou ses services, retrouvez Glenn sur LinkedIn.




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