Entretien avec Clémence Lacoste : comment intégrer l’IA dans sa pratique créative sans perdre sa patte artistique ?
- Marion Bonglet
- 30 juil.
- 4 min de lecture

26%. C’est le pourcentage de tâches en design graphique qui pourraient être automatisées par l’intelligence artificielle (IA), selon McKinsey. Un chiffre qui inquiète les professionnels du secteur. Dans cet article, Clémence Lacoste, Directrice Artistique & Photographe, partage avec nous sa vision sur la cohabitation entre créativité humaine et intelligence artificielle, et sur la façon d’intégrer ces outils dans un workflow créatif sans perdre son identité artistique 👇🏼
Peux-tu nous parler de ton parcours ? Comment es-tu arrivée dans la direction artistique ?
“J’ai toujours été sensible aux images et aux émotions qu’elles pouvaient transmettre, que ce soit à travers la photo, l’illustration, la vidéo, un objet, des couleurs… Plus jeune, je savais que je voulais exercer un métier qui me permette de m’exprimer. La direction artistique et le design graphique ont été les moyens de rassembler tout ça ! ☺️
J’ai donc commencé des études en communication visuelle, d’abord orientées vers le print. Avant de me tourner vers le multimédia afin d’élargir mon champ de compétences et mes possibilités de création.
À la fin de mes études, j’ai exercé pendant 3 ans en agence digitale, dans le graphisme et la direction artistique. J’ai ensuite rejoint le secteur de la mode, chez Morgan, où j’ai passé 5 années à concevoir du contenu global pour la marque : PLV pour les boutiques, site e-commerce, réseaux sociaux, photographie… Mon rôle consistait à assurer une cohérence visuelle sur l’ensemble des supports, avec l’aide de mon équipe que j’encadrais.
En septembre 2024, je me suis lancée à mon compte en tant que directrice artistique et photographe. J’accompagne aujourd’hui les marques dans la création et la production de contenus graphiques et visuels, avec une approche à la fois stratégique et sensible.”
Comment peut-on utiliser l’IA en design graphique ?
“On peut considérer l’intelligence artificielle (IA) comme une collaboration homme-machine, comme un assistant qui nous aiderait sur de nombreuses étapes de notre travail. Et ce, pour nous libérer du temps pour explorer de nouveaux horizons créatifs.”
L’automatisation des tâches répétitives
“Automatiser les tâches répétitives permet aux designers de se concentrer sur des aspects plus créatifs de leur travail.
Je pense notamment à la retouche d’images qui devient hyper simple grâce à l’IA de Photoshop (à découvrir ici). Ou encore l’IA de Figma (à découvrir ici) qui permet de générer des esquisses et des prototypes en un temps record ! Cela offre davantage de temps sur le design et le style des maquettes.”
La génération d’images
“L’IA permet de créer rapidement des visuels à partir de simples prompts. Que ce soit pour de la création pure ou pour illustrer une intention avant le passage en production (par exemple, des piges, un moodboard, des croquis, etc.). Plusieurs logiciels existent, notamment Midjourney, Firefly, DALL-E, Recraft…
Ce principe s’applique aussi pour l’animation, la vidéo et la 3D, avec des logiciels comme Runway ML, Cascadeur ou Deepmotion.”
L’aide au brainstorming, au benchmark et à la proposition de pistes créatives
“L’IA peut aider les créatifs dans les premières étapes de création, qui devront ensuite être peaufinées et retravaillées par le designer. L’IA génère, l’humain affine.
On pense forcément à ChatGPT pour la partie benchmark ou brainstorming. Ou encore Khroma et Coolors, qui génèrent des palettes de couleurs sur-mesure.”
La création de mockups et la mise en situation de designs
“Avant, il était parfois laborieux de trouver le mockup qui nous convenait. Aujourd’hui, avec Illustrator ou Recraft, on peut intégrer un visuel dans un environnement que l’on image de toute pièce.
L’IA est donc un dispositif permettant aux designers d’améliorer leur productivité. Elle leur donne accès à davantage de temps pour se concentrer sur l’expérimentation et la création.”
Comment utiliser l’IA dans le processus de création tout en apportant sa touche créative ?
“Comme expliqué plus haut, l’IA offre une aide sur des aspects techniques et répétitifs, permettant de se concentrer sur l’essentiel : l’originalité et la vision artistique. Tout ce qui fait qu’un visuel se distingue !
L’IA s’utilise comme un outil/médium pour créer. À l’instar de la photo ou de la peinture, il est un nouveau moyen de s’exprimer. Certain(e)s designers peuvent faire de l’IA un véritable terrain d’expérimentation plastique. Non pas pour déléguer leur créativité, mais pour innover, détourner, déstabiliser et proposer de nouveaux styles et mouvements artistiques.
Je pense par exemple au travail de Hana Katoba, qui transcende les limites du réel en mêlant photographie et IA (à découvrir ici). Ou encore Elmo Mistiaen (à découvrir ici) qui crée des univers à la croisée de la mode et du biomorphisme.
Nous devons continuer à exprimer notre sensibilité humaine à travers la réflexion et la conceptualisation. C’est ainsi que nos émotions peuvent être véritablement retranscrites. L’IA, c’est la possibilité de donner vie à tout ce qui nous passe par la tête, sans certains problèmes de coûts, ni matériaux nécessaires. À travers les prompts, on peut diriger la machine et explorer de nouvelles esthétiques. C’est le champ des possibles qui s’offre aux designers.
On apporte notre touche créative en trouvant un équilibre entre la maîtrise de nouvelles technologies et l’affirmation de notre sensibilité. Et ce, pour humaniser et affiner nos créations.”
Selon toi, l’IA pourra-t-elle remplacer complètement un directeur artistique ?
“Je ne pense pas que l’IA remplacera un(e) DA. La force du designer, c’est de pouvoir remettre en question des schémas, raconter des histoires, véhiculer des émotions, douter, exprimer une partie de soi, passer un message… Des qualités intrinsèquement humaines, qui touchent un public, et qu’une machine, à mon sens, ne peut pas transmettre.
Cette dernière, ôtée d’émotions et de vécu, ne sait pas si l’image est juste, si elle est “trop” ou “pas assez”. Elle ne sait pas pourquoi et c’est précisément là que se joue la force du designer.
L’arrivée de l’IA n’est pas un grand remplacement, mais simplement une coexistence inévitable entre les créatifs et la technologie.”
Plutôt que de redouter l’IA, Clémence nous invite à la considérer comme un levier au service de la créativité. Un outil à apprivoiser pour gagner en efficacité, sans renoncer à sa vision artistique. Car, au-delà des algorithmes et des prompts, ce sont toujours les émotions humaines, l’intuition et l’expérience qui donnent du sens aux créations.
Si vous souhaitez découvrir le travail de Clémence ou la contacter pour un projet, rendez-vous sur son site web ou sur compte Instagram 💌
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